FASEP « Grandeur Nature à Madagascar »

Ran’Eau était présente au Colloque final de présentation des résultats du FASEP Innovation Verte « Assainissement végétalisé pour traiter les eaux usées et pluviales à Madagascar » organisé par le Ministère de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène, le service économique de l’Ambassade de France, la mairie d’Ambavahaditokana et le consortium ARTELIA, ECOBIRD et ARTELIA Madagascar. Cette journée était constituée de diverses présentations des parties prenantes le matin à Artelia et d’une visite sur le site du projet à Ambavahaditokana l’après-midi. A cette occasion, Ran’Eau vous a préparé un article résumant la subvention FASEP, et le projet « Grandeur Nature à Madagascar ».

  1. Qu’est-ce qu’un FASEP ?

Le Fonds d’études et d’aide au secteur privé (FASEP) est une subvention accordée par la Direction Général du Trésor de France aux entreprises françaises et aux bénéfices d’autorités publiques étrangères dans les pays en développement. Cette subvention doit être utilisée pour des études de faisabilité ou la démonstration de technologies vertes et innovantes. Le FASEP a le double objectif de soutien à l’internationalisation des entreprises françaises et d’aide au développement.

Caractéristiques du FASEP

Nature de l’aide

Don ou avance remboursable

Montant

De 100 000 à 800 000€

Bénéficiaires

Acteurs privés, en particulier PME et TPE

Pays éligibles

La liste est actualisée chaque année (près de 130 en 2023)

Conditions d’éligibilité

Le bénéficiaire final doit être une entité publique

Le projet comporte 85% de part française

Il est central que le projet fasse l’adhésion auprès des autorités locales, en s’alignant aux directives nationales et locales, en répondant à un besoin, en s’assurant d’une possible passation aux autorités à la fin du projet pour une bonne appropriation.

Pour en apprendre plus : Le FASEP | Direction générale du Trésor (economie.gouv.fr)

  1. Qu’est-ce que le FASEP – Innovation verte ?

Le FASEP Innovation Verte est la catégorie de FASEP dédié à la démonstration de technologies vertes et innovantes. Il permet ainsi de financer tout ou part d’un démonstrateur de technologies. Le FASEP innovation verte permet ainsi à une entreprise française de mettre en place une nouvelle technologie verte et / ou innovante, acquérir une référence à l’internationale. Le démonstrateur fait office de projet pilote dans le but de pouvoir le répliquer ou faire une mise à l’échelle après.

L’aspect « innovation » du projet peut être technologique mais aussi organisationnelle par exemple mais doit surtout avoir un niveau de maturité minimum, et donc avoir déjà été éprouvée. Il est crucial de suives ses impacts environnementaux et sociaux, en limitant au maximum les négatifs pour des impacts positifs sur la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement, mais aussi sur des aspects sociaux tels que la création d’emplois, l’intégration de l’économie informelle, etc.

Pour en apprendre plus : Le FASEP Innovation verte | Direction générale du Trésor (economie.gouv.fr)

Pour information, le FASEP « Grandeur Nature à Madagascar » est le second FASEP mené sur la Grande Ile. Le premier FASEP est dirigé par le consortium Hydroconseil et Ax’Eau pour l’amélioration du service de réseau d’eau potable à Tamatave à travers un accompagnement à la Jirama. Plus d’informations ici.

  1. Quel projet d’Artelia, Artelia-Madagascar et Ecobird ?

Le FASEP « Grandeur Nature à Madagascar » est un projet environnemental et social porté par le consortium Artelia France, EcoBird et Artelia Madagascar et avait pour but de construite un démonstrateur d’assainissement urbain végétalisé pouvant répondre aux besoins des villes africaines en matière d’assainissement. Un démonstrateur a été construit en périphérie d’Antananarivo (commune d’Ambavahaditokana) avec un système de collecte des eaux usées et eaux de pluies du quartier (soit environ 300 habitations ou 1 500 habitants), protégeant un bassin versant d’une superficie de 10 hectares.

Madagascar souffre d’un déficit important en matière d’assainissement, et notamment d’assainissement urbain et péri-urbain. Les eaux usées et les eaux pluviales s’écoulent dans des caniveaux à ciels ouverts, venant contaminés les eaux de surface, les eaux souterraines, mais aussi les plaines agricoles où les populations mènent des activités agro-pastorales. Or, compte tenu du faible taux d’accès à de l’eau potable, et du service médiocre d’alimentation en eau, la population a recourt à des points d’eau alternatifs, tels que des puits, pour s’approvisionner. Ainsi, il est d’autant plus important de traiter les eaux usées.

Le projet souhaite montrer qu’il est possible d’aller vers un assainissement décentralisé où les eaux usées et boues de vidanges sont traitées au niveau local. Ce réseau court nécessite donc moins d’eau et permet d’épurer les eaux usées et de pluie pour après les restituer au milieu naturel.

La filière de l’assainissement végétalisé a commencé à se développer en France depuis les années 1990 et a rencontré beaucoup de succès. Cependant, un système d’assainissement végétalisé est constitué de deux étages de bassins, et a donc besoin d’un foncier plus important. Le consortium a ainsi décidé de « booster » le système d’assainissement en y injectant de l’air pour s’assurer que le traitement peut avoir lieu sur un étage uniquement. Le démonstrateur a ainsi un filtre planté de végétaux d’une surface d’uniquement 75 m² et traite 20m² jour d’eaux polluées en temps sec et jusqu’à 100 m² en temps de pluie avec les eaux de ruissellement.

Quelques informations clés :

  • Financeur : Etat Français (Ministère des Finances et du Trésor Public et Service Economique de l’Ambassade de France à Madagascar)
  • Bénéficiaires : Ministère de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène et les instituts de formation : CNEAGR, ISTT, ESPA
  • Autorité administrative locale : Commune d’Ambavahaditokana
  • Prestataire : Consortium ARTELIA France & EcoBird & ARTELIA Madagascar

Qui ?

  • Artelia – Ingénierie internationale : spécialiste de la protection de l’eau et de la protection de l’environnement
  • Artelia Madagascar : la filiale d’Artelia implanté depuis 50 ans à Madagascar
  • EcoBird : PME française spécialisée dans l’assainissement végétalisé

Les étapes importantes du projet :

Le projet a été lancé en juin 2020 et a pris fin en juillet 2023. Il a suivi les étapes ci-dessous :  

  • Juin 2020 : démarrage
  • Juin 2020 à janvier 2021 : recherche de site (géographiquement faisable, commune avec élus moteurs), démarches administratives
  • Janvier 2021 à novembre 2021 : études amont et dimensionnement
  • Novembre 2021 à février 2022 : construction du démonstrateur (société ?)
  • Février 2022 : mois de formation intensive des étudiants, lancement de la mise en exploitation du démonstrateur
  • Février 2022 à juillet 2023 : suivi des performances, mesures hebdomadaires (échantillonnages envoyés à l’Institut Pasteur de Madagascar) 
  • Fin juillet 2023 : remise des clés du démonstrateur au Ministère de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène

 

  1. Visite du dispositif

La visite du dispositif a été faite à l’après-midi du colloque final et s’est déroulée comme suit :

  • Visite et présentation du dispositif
  • Remise des attestations aux étudiants
  • Passation des responsabilités entre le Ministère de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène et le consortium ARTELIA France, EcoBird et ARTELIA Madagascar

Composition du dispositif installé à Ambavahadintonkana

Le dispositif mis en place est subdivisé en 4 parties :

  • Les ouvrages de collecte et de mis en charge ;
  • Le filtre proprement dit ;
  • Un double regard pour l’aération forcée ;
  • Un traitement UV et réservoir de stockage.

Fonctionnement du dispositif installé à Ambavahadintonkana

Pour éviter la percolation des boues, et donc permettre une filtration optimale, deux filtres fonctionnant avec une semaine d’alternance ont été installés. Ainsi, chaque filtre est alimenté par une conduite différente.

En amont du filtre, un premier regard, nommé ouvrage de siphonage, collecte les eaux usées, après avoir traversées le dégrilleur, des quartiers environnants. Pour un fonctionnement optimal du filtre, il est nécessaire que l’eau y soit repartie uniformément ; donc avec un débit d’écoulement exact, qui est déterminé en fonction de la surface du filtre (pour 1 mètre carré de filtre il faut 0.5 mètre cube par heure). Pour cela, l’ouvrage de collecte est composé d’un flotteur couplé par un siphon. Une fois la hauteur d’eau atteinte, le flotteur se bloque pour ensuite enclencher le siphonage vers l’ouvrage de mis en charge.

Le deuxième regard est composé de deux clapets reliés, grâce à deux conduites, aux deux filtres à l’aval. L’installation de ces clapets permet alors l’utilisation alternée des filtres. Pour éviter la nécessité d’une présence humaine et d’une éventuelle erreur, l’enclenchement des clapets est automatisé.

Une fois toutes les couches filtrantes traversées, l’eau est drainée du côté opposé augmentant ainsi son temps de séjour dans le filtre. Ce drainage opposé force alors l’eau à traverser le deuxième filtre inactif ; tout cela dans le but d’avoir une meilleure qualité d’eau. Etant donné que le dépôt de la boue est d’environ 2 à 3 centimètres par an et que la hauteur de revanche du filtre est calée à 40 centimètres du sol, la durée de vie du filtre, sans maintenance est de 10 ans. Cependant, à cause de la minéralisation des boues dans le filtre, il est recommandé une évacuation quinquennale.

L’eau drainée passe ensuite par deux derniers regards où l’aération forcée, qui n’est pas nécessaire en Low-Tech, est effectuée. Les panneaux solaires installés assurent l’alimentation en énergie pour l’injection de l’air et aussi l’envoie de l’eau vers l’appareil à traitement UV et enfin dans un réservoir.

La vidéo ci-dessous détaille le fonctionnement du démonstrateur.

 

Remise d’attestation et passation de responsabilités

Pour clôturer en beauté le projet, ARTELIA a remis une attestation de bonne participation aux étudiants ayant suivis les formations de trois semaines.

Et enfin, une convention a été signée entre le Ministère de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène (MEAH), représente par Madame la Secrétaire Générale, et le consortium ARTELIA France, EcoBird et ARTELIA Madagascar indiquant les responsabilités de chaque partie prenante. En recevant les clés d’accès au dispositif, Madame la SG a tenu a remercié le consortium et le Service Economique et l’Ambassade de France, et a réitéré l’engagement du MEAH par rapport à la pérennisation et la mise à l’échelle du dispositif.

  1. Quelle suite ?

Depuis 2022, au sein du MEAH, le volet Assainissement est séparé du volet Eau, lui accordant ainsi plus d’importance. On peut ainsi imaginer une amélioration de l’assainissement urbain de Madagascar dans les prochaines années. Plusieurs villes telles que Antananarivo, Mahajanga (appuyée par le GESCOD) et Fianarantsoa ont aujourd’hui un Code Municipal d’Hygiène (CMH). Cependant, même s’il existe ainsi de nombreux textes fondateurs de la politique sectorielle de l’assainissement ceux-ci doivent être mis en application. De même, les fonds dédiés à l’assainissement et à l’hygiène restent encore minimes par rapport à ceux dédiés au volet eau.

Les clés du démonstrateur ont été remises au MEAH et à la fin du mois d’août, Artelia remettra au MEAH un document de recommandations pour l’assainissement en milieu urbain pour accompagner le pays vers un environnement plus sain.

Pour en savoir plus :