Les 3e Assises de la coopération décentralisée franco-malgache
Antananarivo, 18 et 19 septembre 2025 – La troisième édition des Assises de la coopération décentralisée Madagascar-France s’est tenue à Antananarivo. Organisées conjointement par le Ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire, le Ministère des Affaires étrangères, Cités Unies France et l’Ambassade de France à Madagascar, l'évènement a rassemblé près de 500 participants malgaches et français.
La coopération décentralisée désigne les projets de coopération entre des collectivités territoriales de pays différents. Selon l’Ambassade de France à Madagascar, Madagascar est le 1er pays bénéficiaire des financements des collectivités territoriales françaises, et ce, depuis plusieurs années. En 2023, une trentaine de partenariats actifs portés par 27 collectivités territoriales françaises et 38 collectivités locales malgaches ont été recensés.

Au cours de ces deux journées, les participants ont pu choisir d’assister à 4 ateliers :
- Agriculture, biodiversité et alimentation ;
- Eau, hygiène et assainissement / GIRE (Gestion intégrée des ressources en eau) / Gestion des déchets ;
- Développement économique ;
- Jeunesse.
Le dernier jour, une table-ronde intitulée « Pour une coopération décentralisée franco-malgache plus efficace et pérenne : de la mobilisation de financements durables au renforcement de la coordination multi-acteurs » a permis de clôturer cette édition des Assises en mettant en avant des mécanismes concrets de coopération.
La rencontre s’est terminée par la signature de plusieurs documents visant à renouveler ou créer des coopérations ; parmi elles, l’Autorité Nationale de l’Eau et de l’Assainissement (ANDEA) à Madagascar a et l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse (AERMC) en France ont signé un protocole de partenariat visant à renforcer la coopération entre les deux institutions principalement sur la thématique de la GIRE.

Deux tables-rondes durant l’atelier Eau, hygiène et assainissement / GIRE (Gestion intégrée des ressources en eau) / Gestion des déchets ont été animées par l’ONG Ran’Eau.
Table Ronde autour de la GIRE et de l’accès à l’eau potable
Animée par Patrick Rasolofo, Directeur Exécutif de l’ONG Ran’Eau.
Panélistes :
- Directeur Général de l’Eau du MEAH ;
- Directeur Général de l’AERMC ;
- Gouverneur de la Région Itasy ;
- Coordinateur du programme Eaurizon ;
- Coordinatrice de la coopération décentralisée entre les villes de Soavinandriana et Billière.
Cet atelier introduit par le DG Eau aurait pu être vite terminé : « L’eau c’est le patrimoine de la nation ». Cette approche ouvre sur l’essentiel de la mécanique de la Gestion Durable des Ressources en Eau, ou Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) qui :
- Propose une approche holistique du cycle de l’eau ;
- Favorise les espaces de concertation pour gérer les conflits liés à l’usage de l’eau.
Ce concept est mis en œuvre à Madagascar à travers l’ANDEA et puise son inspiration sur le terrain malgache :
- En Itasy, le Gouverneur a évoqué la situation critique du lac Itasy : déforestation, érosion, sédimentation du lac et manque d’assainissement et défécation à l’air libre qui favorise le développement de la bilharziose. L’action autour du lac se concrétise par le Comité de Gestion du Lac Itasy (COGELI).
- Les villes de Billière et Soavinandriana ont abordé leurs travaux pour améliorer l’accès à l’eau potable de la population de Soavinandriana et pérenniser les infrastructures. La pérennisation s’est faite notamment par l’accompagnement à la création de Service Technique en EAH, la formation des Agents Techniques, ainsi que l’accompagnement dans la mise en place des comités de gestion.
- La métropole de Lyon et la Région Haute Matsiatra ont travaillé pour améliorer l’alimentation en eaux des communes de la région et désormais, 150.000 usagers disposent de l’eau. L’action concerne les travaux et la gestion durable, le Suivi Technique et Financier (STEFI), la formation des agents communaux en EAH, et la constitution de comités de gestion de l’eau : Groupe Local d’Échanges et de Concertations (GLEC) et Comité de Gestion Intégrée des Ressources en eau Antarambiby Fianarantsoa (COGIRAF) pour la concertation des acteurs.
- La question de l’évaluation des actions de la GIRE se pose. Dans la commune urbaine d’Ambalavao, un conflit d’usages entre les acteurs du bassin versant où la JIRAMA puise l’eau pour alimenter la ville est apparu en 2018. En 2022, après la constitution du GLEC et de la création d’espaces de concertations, ce conflit n’existait plus.
- L’AERMC, établissement public du ministère français de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, rappelle que l’action GIRE s’inscrit dans des temps longs. Il cite notamment la loi sur l’eau de 1964 et les milliers de stations d’épuration construites le long du Rhône et toujours en difficulté. Ces difficultés sont également entretenues par le changement climatique, car l’eau est le premier instrument de mesure du changement climatique : des pluies fortes mais moins régulières, des sécheresses, des inondations, un impact sur les ressources agricoles et les équipements publics.
- Le DG Eau incite chacun à respecter le cadre réglementaire de l’eau. Aujourd’hui, à Madagascar le Code de l’Eau est en cours de réforme et est plus que jamais le cadre d’action. Respecter le cadre légal, c’est s’inscrire dans une démarche durable de gestion de l’eau.
Table Ronde autour de l’assainissement solide et liquide
Animée par Patrick Rasolofo, Directeur Exécutif de l’ONG Ran’Eau.
Panélistes :
- Directeur Général de l’Assainissement et de l’Hygiène du MEAH ;
- Directeur Général de la Société Municipale d’Assainissement (SMA) de la ville d’Antananarivo ;
- Les maires des villes de Fianarantsoa et de Mahajanga ;
- Le coordinateur adjoint du programme Eaurizon ;
- Le coordinateur du programme GESCOD à Ambatoboeny et Ambesika.
Objectif quadruple de la table ronde :
- Présenter le cadre institutionnel et réglementaire ;
- Valoriser les actions ;
- Analyser les freins spécifiques au secteur ;
- Proposer des pistes d’actions et de solution.
En termes de cadre réglementaire, le secteur est régulé par le Code de l’Eau actuellement en cours de mise à jour afin de mieux prendre en compte les secteurs de l’assainissement et de l’hygiène.
Outre le Code de l’Eau, la loi prévoit que la collectivité territoriale soit maître d’ouvrage de ses infrastructures en EAH et ait la charge technique et financière du service. Pour le cas des déchets, la Commune peut mobiliser la Redevance sur les Ordures Ménagères (ROM), mais dans la réalité, très peu de communes le font aujourd’hui et lorsque c’est le cas, sa collecte est difficile. Le cas de la ville d’Antananarivo a été cité en exemple, où seulement 23% de la ROM a été collectée en 2022.
Les différents témoignages des panélistes ont souligné quelques défis majeurs :
- La pérennisation des infrastructures, un défi fortement en lien avec les suivants ;
- Le changement de comportement, en zone urbaine ou rurale, que ce soit pour la défécation à l’air libre ou la gestion des déchets ;
- Les compétences techniques, notamment dans un contexte politique marqué par un turnover important au sein des institutions ;
- Des bonnes pratiques ont souligné l’importance des échanges et des formations entre pairs, que ce soit au sein du pays ou entre des collectivités territoriales décentralisées malagasy et françaises ;
- Les questions financières : le financement initial, lié à l’acquisition du matériel et des compétences, et le financement du service lui-même. La dépendance aux partenaires techniques et financiers et aux subventions est soulignée comme un frein à l’autonomisation des collectivités territoriales.
- Quelques pistes sont suggérées :
- La collecte de la ROM (le travail sur le changement de comportement pour que la ROM puisse être collectée) ;
- La valorisation des déchets : ne pas considérer les déchets comme une charge à traiter, mais comme une ressource ;
- Les partenariats publics-privés ;
- La mise en place de la responsabilité des producteurs et des importateurs ;
- Quelques pistes sont suggérées :
- Le suivi et la régulation (crucial pour la pérennisation des infrastructures et du service) : les expériences d’Eaurizon et de la SMA ont mis en avant la digitalisation du suivi. Par exemple, pour la délégation de service public dans la région Haute Matsiatra, la digitalisation du suivi permet à la Commune Urbaine de Fianarantsoa et à la DREAH de confronter les informations collectées pendant leurs descentes mensuelles à celles de l’opérateur, s’assurant ainsi de la qualité du service, du bon reversement des redevances par l’opérateur, et leur permettant de prendre les décisions nécessaires pour maintenir la ville propre et agréable.
Les échanges lors de ces deux tables-rondes ont été particulièrement riches et ont permis de valoriser les expériences des projets de coopération décentralisée franco-malagcahe.

